Blog littéraire

Les enfants du désastre de Pierre Lemaître

Une œuvre magistrale en trois volumes que l’on ne présente plus et qui m’a emportée pour son panache, son extraordinaire précision, la gouaille, le courage et la couardise de ses personnages, faillibles, faibles, veules, attachants et terriblement humains.

Dans Au revoir là-haut, Prix Goncourt 2013 et film césarisé, deux jeunes poilus échappent de peu à la mort sur l’un des derniers combats de la Grande Guerre, mais ils n’en sortent pas indemnes, surtout Edouard. Fils de bonne famille, fantasque et scandaleusement gay pour la stricte et traditionnelle famille Péricourt, le jeune homme choisit de changer d’identité après avoir eu la moitié du visage arraché par un éclat d’obus en sauvant la vie d’Albert, littéralement enseveli sous ses yeux. Albert est trouillard, terne et sans le sou, mais ce qui lie les deux hommes broyés par un combat qui les dépasse et pour une nation qui les oublie sera bien plus fort que toutes leurs différences. Unis à la vie à la mort, ils mèneront ensemble une drôle de lutte contre l’ordre établi et l’absurdité d’un monde qui veut les engloutir.

Couleurs de l’incendie se situe dans l’entre-deux-guerres et suit principalement la destinée de Madeleine Péricourt, la sœur d’Edouard, et de son fils Paul. Comme dans le premier opus, le livre démarre sur une tragédie spectaculaire dont nous pensons que personne ne pourra jamais se remettre, et là aussi les ressources insoupçonnées des personnages ainsi que leurs penchants les moins nobles vont leur permettre de trouver des solutions aux revers que la vie leur impose. Entre machinations sournoises et idées de génie, on tressaille, on espère, on a envie à la fois de condamner et de comprendre ce qui les anime, et on respire un peu mieux à la fin…

Quant au troisième tome, Miroir de nos peines, il part de Louise, une petite fille qui s’était attachée à Edouard dans le premier livre, et qui a maintenant trente ans. En mal d’enfant, la jeune femme vit là aussi au début de l’histoire un drame spectaculaire qui influencera le reste de sa vie, tout comme le début de la seconde guerre mondiale qui frappe aux portes de la France. En parallèle, nous découvrons le jeune sous-officier Gabriel et le soldat Raoul Landrade, petite crapule qui se révèlera sous un jour insoupçonné, et suivons leurs déboires dans une France mise en déroute par l’invasion allemande.

Le thème des profiteurs et des escrocs est récurrent, toutes les bassesses humaines sont explorées et on sent la jubilation de l’auteur à nous rendre compte de leurs petites misères, grandes décadences et coups d’éclat ou de génie. Une palette nuancée, drôle et acide de l’humanité, et que l’on fasse partie des petites gens ou de la haute n’y change rien, tout le monde en prend pour son grade.

Du grand art !

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