La nuit sur les toits

 

🌟 Finaliste du Prix des Étoiles Librinova 🌟


Extrait (2 chapitres)

1.

Le regard noir et intense, charmeur, de cet homme que je connais pourtant peu me bouleverse.

Nous ne sommes pas intimes, pas même proches, mais au fond de moi quelque chose vibre, se serre dès que je suis près de lui. Sa voix d’abord, son rire, chaud. Sa présence lumineuse, charismatique, son beau visage. J’aime tout.

Grégoire fait partie du cercle de connaissances de ma meilleure amie. C’est un ancien copain de fac de Martin. Ils sont plus âgés que nous, déjà accomplis dans leur vie active, alors que nous y entrons à peine. Avocats tous les deux, sûrs d’eux, complices, ils travaillent ensemble et se disent comme des frères. Lucie a rencontré Martin alors qu’elle postulait comme stagiaire dans son cabinet il y a deux ans. Quinze jours plus tard elle emménageait chez lui. Depuis, elle a abandonné ses rêves d’avocate, déçue par ce milieu incompatible avec ses idéaux. Elle tente maintenant d’intégrer l’école nationale de la magistrature de Bordeaux, elle se sent prête à partir si elle est admise au concours. Ce départ hypothétique à plusieurs centaines de kilomètres occasionne des tensions entre elle et Martin, qui suivra l’autre ?

Nous avons de longues conversations Lucie et moi, le soir chez elle, ou dans les cafés du coin, pour savoir lequel d’entre eux devra céder en cas de réussite. Lorsqu’elle finira ses études, si elle y parvient, Lucie n’aura probablement pas le choix de son poste, et Martin ne quittera pas non plus son cabinet. Ce sera à elle de s’adapter, ou pas.

Les prémices d’une vie entière à deux nous font un peu peur. Les compromis, les renoncements, à vingt ans c’est juste impossible à envisager ! On est entières, unies, on se comprend, on rêve de ce fameux grand amour dont la société nous rebat les oreilles depuis l’âge de notre première Barbie, mais on sait aussi que tout n’est pas si simple. Lucides mais rêveuses, encore un peu idéalistes, Martin se moque parfois de nous. Je l’aime bien, je le trouve rassurant, égal à lui-même en toutes circonstances. Sauf depuis que Lucie a entamé sa reconversion. Je crois qu’il me soupçonne d’encourager mon amie à se séparer de lui pour vivre sa vie. Je ne me permets pas de lui donner de tels conseils pourtant. Je l’écoute simplement exprimer ses doutes, je compatis, mais je crois que Martin voudrait que je prenne ouvertement parti pour lui. Ce que je ne fais pas, il a raison.

Moi qui viens à peine de décrocher mon premier boulot de juriste dans une petite société, je suis fière de pouvoir enfin toucher un vrai salaire, ma liberté ! Ce sentiment grisant de ne rien devoir à personne, je suis bien obligée de le partager avec Lucie, et malgré toute la sympathie que j’éprouve pour Martin j’encourage sans le vouloir mon amie à s’affranchir de lui, de son appartement confortable. À trente-cinq ans bientôt, il voudra l’épouser, fonder un foyer, tracer une route qui semble déjà écrite. Je sors troublée de nos conversations, car je n’arrive pas à saisir ce qu’elle souhaite réellement. Même si Martin laissait tomber son cabinet pour la suivre, je ne suis pas certaine qu’elle en serait vraiment heureuse. Elle aime aussi cet aspect de lui, elle ne veut pas qu’il se renie, qu’il s’oublie pour elle. Elle ne sait pas si elle pourrait l’aimer encore s’il se mettait à vivre réellement en fonction d’elle et de ses désirs. Et je la comprends dans ses contradictions. On en vient toutes les deux à se demander si la réussite professionnelle est compatible avec la vie de couple, mais on ne veut pas renoncer, on espère encore pouvoir tout concilier.

De mon côté, je termine à bout de souffle une histoire compliquée avec un jeune homme immature, éternel étudiant, mais la solitude m’effraie, alors j’ai du mal à rompre définitivement. Jusqu’à ma rencontre avec Grégoire. Là, je n’ai plus aucun état d’âme, que des certitudes, en tous cas au moins une : être avec lui, et n’être qu’avec lui. Rien d’autre. Ni métier, ni couple, ni société, ni même amis, plus rien ne compte. Tout passe au second plan.

Je bascule un soir d’été, quand au cours d’une énième soirée, nous décidons d’aller finir nos bouteilles d’alcool sur la plage, à quelques kilomètres de là. Nous sommes une dizaine, des amis de Martin et Lucie que je connais tous plus ou moins, certains mieux que d’autres. L’ambiance est bon enfant, nous nous répartissons en deux voitures, il fait doux, le ciel est ruisselant d’étoiles, la vie est belle.

Depuis le début de la soirée je sens le regard de Grégoire sur moi, plus insistant que d’habitude. Je porte une petite robe rouge aux épaules dénudées, je suis bronzée, détendue, je me sens bien. Cela fait plusieurs semaines que l’on se croise un peu plus souvent, et chaque fois je ressens cette morsure délicieuse au creux de ma poitrine, de mes reins, de mon ventre.

Un soir surtout, nous parlons de tout et de rien, quand il se penche sur moi et me regarde droit dans les yeux, au fond de l’âme. Je rougis comme une collégienne jusqu’à la racine de mes cheveux, il sourit mais ne fait pas de commentaires. Je sais qu’il perçoit mon trouble, et il en joue. Il aime provoquer ces vacillements en moi. D’un regard, d’un compliment il me fait chavirer, et malgré ma réserve, mon visage et mon corps me trahissent, j’en suis sûre. À ce moment précis, quand il plonge ses yeux dans les miens en souriant, j’ai la conviction profonde et intime, irrationnelle, qu’il va se passer quelque chose entre nous, de fort, de puissant. Pourtant Grégoire se redresse, sourit de nouveau, et comme à son habitude plaisante, volubile, joyeux, avant de me tourner le dos.

Pourquoi me trouble-t-il autant ? Sa personnalité solaire m’attire comme un papillon vers la lumière, moi qui suis d’une nature discrète. Il me fascine. J’ignore s’il est en couple ou non, Grégoire entretient un mystère autour de ses relations amoureuses, et quand on évoque le sujet entre nous, Martin reste évasif. Je n’ose pas questionner Lucie non plus, elle me connaît si bien, j’ai trop peur qu’elle comprenne, peut-être parce que je pressens la suite.

La veille déjà, un petit moment d’ambiguïté entre nous me ravit. Il fait très chaud, Martin et Lucie nous proposent une glace en terrasse, en bas de chez eux. Grégoire et moi nous asseyons l’un à côté de l’autre. Je recherche si naturellement sa présence que je ne me rends même pas compte à quel point je suis omniprésente à ses côtés. Il prend juste une bière, et s’amuse de voir arriver devant moi une énorme coupe remplie de chantilly. Gourmande, je le provoque un peu puis, surprise par la présence d’une cerise confite dans ma bouche, je la recrache discrètement, j’ai horreur de ça. Je la repose dans ma cuillère, et aussitôt Grégoire, en pleine conversation, la saisit et la fourre dans sa bouche. Cette intimité incongrue m’amuse, je ne crois pas qu’il s’en soit rendu compte, il continue de parler, sans me regarder. J’adore ce petit moment idiot partagé avec lui à l’insu de tous. Sous la table nos jambes se frôlent, mais je ne sais pas s’il en a conscience ou non. Il n’écarte pas son genou lorsque je rapproche un peu le mien, je me sens si bien à côté de lui, dans sa chaleur, son odeur, j’ai envie de rester là toute la soirée, sans parler, simplement à ressentir sa présence.

Je reste la plus discrète possible, pour que les autres ne se rendent pas compte du petit jeu de séduction entre nous, même si ce n’est pas un jeu pour moi. Même à ce stade, celui de la découverte, du flirt, de la conquête de l’autre, je ne joue pas. Je n’ai jamais joué avec Grégoire, à quoi que ce soit. Avant même de recevoir le moindre signe tangible de sa part, de savoir si je lui plais ou non, je suis déjà authentique avec lui, je ressens déjà cet élan plein et entier, sans réserve, en confiance.

Lorsque nous arrivons sur la plage, ce soir-là, c’est Grégoire qui lance le premier l’idée du bain de minuit. Les hommes rigolent, enlèvent rapidement leurs vêtements, se jettent à l’eau et bientôt on ne voit plus que leurs fesses claires dans la masse sombre de la mer. Les filles y vont plus doucement, mais l’idée séduit tout le monde. Je me sens partagée entre mon envie de m’amuser et ma pudeur habituelle. Mais bon, il fait nuit, j’ai bu quelques coupes, Grégoire est dans l’eau, alors ? On y va ! Entre fous rires et éclaboussures, je ressens le plaisir absolument délicieux de cette caresse des vagues douces sur mon corps nu, j’avais oublié à quel point se baigner sans maillot pouvait être sensuel et tellement excitant aussi ! Passées les premières vagues, et la sensation de fraîcheur intense lorsque j’immerge mon corps en entier dans l’eau, je me laisse aller doucement, sur le dos, comme un enfant bercé dans la nuit. Le ciel est si clair, j’en suis étourdie de beauté.

Je m’éloigne un peu des autres, il semble que l’excitation première de la mise à l’eau soit passée, nous sommes tous à peu près tranquilles. J’effectue quelques brasses, doucement, en apesanteur, en suivant le mouvement de l’eau salée. Je ne sais même plus si j’avance ou si je fais du sur place. Je sens à peine le sable sous mes orteils lorsque j’essaie de vérifier si j’ai encore pied.

À ce moment-là je sens une main sur mon ventre, comme une caresse, douce et ferme, puis une autre, qui se referme autour de moi. La voix basse et chaude de Grégoire m’enveloppe.

– Alors Élisa ? Tu te sauves ?

Je souris et me tourne vers lui, ses yeux brillent en fixant les miens. On y est. Enfin. Je me rapproche de lui, profitant d’une vague pour effleurer son corps, nu comme le mien. Cela me gêne un peu que notre premier contact soit si intime, mais il se rapproche encore et ses lèvres se posent doucement sur les miennes.

Tourbillon dans ma tête, sa bouche est chaude, salée, humide, et nos langues s’emmêlent.

Je ne pense plus à notre nudité, je me colle à lui, je n’ai envie que d’une chose, l’embrasser encore et encore. Le désir que j’ai eu de lui ces dernières semaines explose dans ce baiser, et me confirme à quel point ma peau reconnaît la sienne. Grégoire maintient le bas de mon dos avec sa main, de l’autre il caresse mon cou, mes épaules, et je l’encourage à continuer. Je me sens si bien, mon corps et mon âme sont en communion totale, pour une fois ! Il m’embrasse doucement sous l’oreille droite, à la racine des cheveux, puis suit une ligne imaginaire de petits baisers rapides jusqu’à mes seins. Lorsqu’il pose sa bouche, puis sa langue, sur cette peau si fine et réactive, je ressens comme une décharge jusqu’en bas de mon ventre. Il le sent, probablement, puisqu’il prolonge ses caresses, de plus en plus intimes. Je n’ai jamais connu un tel désir.

C’est lui qui se reprend en premier.

– Ils vont se demander ce qu’on fait, chuchote-t-il doucement à mon oreille.

Il sourit, s’éloigne, je suis seule dans l’eau noire. Perdue, sonnée, transie de bonheur et d’effroi aussi. Que vient-il de se passer ? Est-ce que j’ai rêvé ? Vu le bouillonnement encore présent entre mes jambes, c’était bien réel. Je me laisse flotter encore un peu, à la frontière d’un monde imaginaire, quand je réalise qu’ils sont presque tous sortis de l’eau. Je me dépêche de les rejoindre pour ne pas être la dernière, même s’il fait noir sur la plage c’est un peu gênant, l’excitation des débuts est retombée. Personne n’a de serviette après ce bain improvisé, on se sèche tant bien que mal, il fait froid, j’ai du sable partout.

J’entends la voix de Grégoire qui domine celle des autres. Il ne vient pas vers moi, ne me regarde pas. Je suis complètement perdue. Lucie n’a rien vu, rien compris. Elle prend Martin dans ses bras, réclame de l’alcool pour se réchauffer, elle est saoule je crois. Je fais comme les autres, je me rhabille à moitié, puis m’assied dans le sable, un peu au hasard. Je sens une présence chaude derrière moi. Grégoire s’est assis, il ouvre ses jambes pour que je m’adosse à lui, mon dos contre son torse.

– Appuie-toi, me dit-il, ça va te réchauffer.

Si tu savais à quel point !

Lorsque je me laisse aller contre lui, je retrouve des sensations primitives, un cocon de bien-être, comme un fœtus dans le ventre de sa mère. C’est trop fort, ça ne va pas. Ça ne devrait pas être aussi fort. Vertige, bonheur absolu, présence infiniment captive de cet instant magique, précieux. L’éternité n’est pas le futur, ni le passé, elle est dans ce moment partagé. L’infini c’est le présent. C’est mon présent sur cette plage, dans les bras d’un homme qui transcende tout ce que j’ai pu éprouver jusque-là en termes de désir. Se fondre en lui, vivre à travers lui.

Je vis ce moment entièrement, pleinement. Tous les instants partagés avec Grégoire seront de cet ordre-là, sans demi-mesure, à la hauteur d’un grand amour, d’une passion, d’un souffle brûlant qui dévaste tout sur son passage.

Les couples se retrouvent, les esseulés se rapprochent, et nous formons bientôt un joyeux méli-mélo de corps allongés ou assis, têtes reposant sur des ventres accueillants, en quinconce, les yeux perdus dans les étoiles. Les bouteilles d’alcool resurgissent, une odeur d’herbe me donne un peu la nausée, je repère le joint incandescent qui circule entre mes amis, et le refuse quand il arrive à moi. Grégoire n’en veut pas non plus. Il n’a pas dit grand-chose depuis que je me suis laissée aller contre lui. Je sens son souffle sur mes cheveux, léger, rapide. Ses avant-bras sont posés négligemment sur ses genoux, il a l’air bien, détendu. Personne ne fait de remarque sur notre rapprochement, je ne sais même pas s’ils se doutent de quoi que ce soit. Seule Lucie se penche vers moi et je sens dans le noir son regard inquisiteur, amusé. Je sais que demain vont arriver les questions, et je ne vais pas savoir quoi lui répondre.

Vous êtes ensemble ? Tu es amoureuse ?

Je crois que je ne suis même pas dans la liste de ses contacts. Il ne m’a jamais appelée en tous cas, et je suis à peu près certaine qu’il ne connaît même pas mon nom de famille. Il sait où je travaille, parce qu’on a fêté mon nouveau poste le mois dernier, au cours d’une autre soirée bien arrosée. Il sait aussi où j’habite, pour nous avoir ramenées en voiture une fois, Lucie et moi. Et c’est tout. Il ne m’a jamais posé de questions personnelles. Je ne sais pas non plus grand-chose de lui, hormis le fait qu’il est avocat associé avec Martin, et qu’il est brillant. Autant Martin est besogneux, acharné, rigoureux, autant Grégoire ne travaille que dans l’urgence, à l’instinct. Et dans l’urgence, c’est le meilleur de tous. Martin râle souvent contre son ami, sur ses nombreuses absences, son imprévisibilité, mais au fond il l’admire, il aimerait être un peu comme lui, avoir son aisance, sa désinvolture. Grégoire est comme habité, conquérant quand il plaide, tellement convainquant.

Il doit être maintenant trois ou quatre heures du matin sur cette plage, nous avons tous un peu sommeil. De petits rires, des blagues idiotes montent comme une fumée éphémère au-dessus de nos têtes, puis retombent. Polémiques, discussions s’ensuivent. Les points de vue s’échauffent, s’affrontent. Moi je ne dis rien, je continue de savourer l’instant, le souffle de Grégoire sur ma tête, ses genoux enserrant mes épaules, ses mains qui tout à coup se posent sur les miennes. J’arrête de respirer un court instant, j’attends. Puis je saisis ses doigts et les serre. Il répond à ma pression, se rapproche un peu de moi. La nuit est encore plus noire que tout à l’heure, des nuages ont envahi le ciel et atténuent la lumière pâle de la lune. Je tourne légèrement la tête vers son visage, mon nez dans son cou. Je le respire, ma bouche effleure sa peau. Il sent bon, c’est irrésistible. Je l’embrasse doucement en entrouvrant mes lèvres, et goûte avec ma langue le sel que la mer y a laissé. Aussitôt je le sens contre mes reins, tendu de désir, et je m’en amuse, je joue avec lui. Nos corps font connaissance avant nos âmes, c’est étrange et familier à la fois. Grégoire respire un peu plus vite contre mes cheveux. Il me caresse doucement les avant-bras, embrasse mon oreille. Je voudrais prendre cette tendresse comme une promesse, mais mon instinct me conseille de rester sage, prudente. J’ignore pourquoi avec lui rien n’est prévisible, sûr. Sables mouvants.

D’ailleurs lorsque nous décidons de partir, juste avant l’aube, Grégoire ne me regarde plus, ne me prend pas la main. Je refuse d’être dans la quête, soumise à son bon vouloir, alors je fais comme lui. Je l’ignore, je ris, je ne monte pas dans sa voiture, volontairement. Je me sens idiote et triste. Tout d’un coup j’ai envie d’être seule, dans mon lit, de fermer les yeux et me reposer longtemps, ne plus penser à rien. Mais la nuit n’est pas finie, la petite bande se met en quête d’une boulangerie ouverte pour prendre un petit déjeuner. Certains d’entre nous travaillent et vont enchaîner leur journée sans avoir dormi. On rit, on les traite de fous, mais on s’en fiche un peu au fond, on a juste envie de prolonger l’ivresse, la magie de la nuit, ne pas s’endormir c’est ne pas mourir.

À huit heures du matin enfin, nous nous quittons tous. Grégoire s’en va le premier, son regard glisse sur moi, j’essaie de l’accrocher. Trop tard, il est passé. Il part, comme ça, sans un mot de plus, sans un sourire, comme si rien n’avait existé. Je me sens froide et grise comme de la cendre. J’ai envie de vomir. Lucie me regarde, un peu inquiète. On va te raccompagner, me dit-elle. Je refuse, ma voiture est garée juste en bas, je n’ai presque pas bu. Je l’embrasse, le regard fuyant. Son attention bienveillante, son inquiétude me pèsent. On verra demain.

Je rentre chez moi, écrasée de fatigue, et sombre dans un sommeil sans rêve, la tête au creux de l’oreiller. C’est la chaleur qui me réveille, et le soleil, fort, éclatant, insolent. Il est quinze heures, je me sens mal. Trois appels en absence de Lucie. Je n’ai pas envie de la rappeler. Je prends une douche, l’eau douce me fait du bien, me rafraîchit, me répare un peu.

Un coup de sonnette bref me fait sursauter, je me sens vraiment contrariée. J’ai déjà envie d’engueuler Lucie quand j’ouvre la porte, en peignoir mal fermé, encore humide de la douche. Je sais que c’est elle, j’ai perçu hier soir son attention soucieuse envers moi. Je l’aime comme on aime une amie à vingt ans, de façon exclusive, exigeante, et j’aimerais aussi que me connaissant si bien elle ressente un peu mieux ces moments où je dois être seule. Je ne peux pas tout partager, même avec elle.

Ce n’est pas Lucie, et ma bouche d’étonnement s’ouvre un peu.

C’est Grégoire, un sourire amusé aux lèvres, les yeux gentiment moqueurs, puis gourmands quand il aperçoit ma poitrine où perlent encore des gouttes d’eau.

– Je peux entrer ? Tu es seule ?

Je recule, ouvre grand la porte, et la referme doucement derrière lui. Mon corps est de nouveau en apesanteur, par sa seule présence. Inattendue, qui plus est. J’essaie de ne pas lui montrer mon trouble, mais je sais que mes yeux trahissent l’intensité de l’émotion que je ressens face à lui, tous les deux seuls dans mon petit appartement. Ça n’est encore jamais arrivé.

Mes joues rosissent, et quand il s’approche de moi ma respiration s’accélère encore, et encore. Il a des gestes de félin, sûr de lui et doux en même temps.

– C’était bien hier soir, me chuchote-t-il. J’ai envie de toi.

Une alarme me serre la gorge. C’est juste ça ? Est-ce que pour lui je suis une paire de seins, de jambes, une fille de plus qui a craqué pour lui ? C’est facile, c’est sympa. Mon désir pour la première fois retombe, il le sent et s’écarte aussitôt de moi.

– Ça ne va pas ? Dis-moi Élisa…

Je suis perdue, tellement troublée par sa présence, par mes sentiments confus qui s’emmêlent. Déception, joie de le retrouver, excitation, peur, vertige de cet abîme que je perçois, déjà.

Le désir fou de lui l’emporte finalement, je me détends à nouveau, je veux croire, je veux aimer, je veux vivre. Je décide de lui faire confiance. Animal, son désir se réveille aussi, et cela me rassure, il est branché sur moi, il ressent tout. Nous ne disons plus un mot. Grégoire m’emmène vers mon lit, m’allonge, ouvre complètement mon peignoir, et me regarde. Il prend son temps, promène ses yeux et ses doigts sur mon corps, il semble heureux, le regard un peu flouté, loin, d’une tendresse inouïe.

Il me parle alors, de la douceur de ma peau, de la beauté de mes courbes, de la finesse de mes jambes, de la rondeur de mes seins… Il me dit à quel point il est touché par ma réserve, la retenue que j’ai avec lui, la grâce des instants que nous avons échangés au cours de ces dernières semaines. Il me dit qu’il aime mon visage, ma bouche. Il me sent, me goûte, se perd en moi.

– Tu es magnifique, tu le sais au moins ?

Je ne réponds pas, à la fois gênée et émerveillée par toutes ces belles choses qu’il me donne comme une offrande. Je n’avais pas perçu à quel point il m’observait, me regardait, me ressentait. Je manque tellement de confiance en moi, comment aurais-je pu savoir ?

La fin d’après-midi et la nuit qui suivent font partie des plus belles heures de ma vie. Nous sommes en communion totale Grégoire et moi. Nous partageons l’intellect, la chair et l’émotion, les trois piliers fondamentaux, l’essence même du couple.

Nous parlons beaucoup après avoir fait l’amour, plusieurs fois, comme assoiffés de nous.

J’éprouve une reconnaissance, un apaisement profond à ses côtés. Je me sens reconnue, aimée, sacrée. Je me sens belle dans son regard, éternelle.

2.

– Chérie ! Tu peux venir s’il te plaît ?

La voix impatiente de mon mari me fait sourire. Serais-je indispensable ?

À l’aube de mes quarante ans, j’ai rempli à peu près toutes les cases. Mariage, enfants, maison, boulot, tout y est. Bien sûr, tout n’est pas lisse, tout n’est pas parfait, mais c’est cela aussi qui fait la beauté de notre vie, de notre famille. Qui la rend unique, donc précieuse.

J’aime profondément Guillaume. C’est lui qui m’a ramenée à la vie, qui m’a montré le chemin, qui nous a fait gravir tous les obstacles, l’un après l’autre, de nos impatiences et de nos failles, de notre jeunesse et ses écueils. Guillaume, c’est mon rocher, le socle sur lequel j’ai pu construire une vie solide et rassurante.

Je l’ai pourtant rencontré dans des circonstances assez dramatiques, pathétiques même, surtout pour moi.

En cette fin d’été 1999, j’ai vingt-quatre ans, et je viens de tenter de mettre fin à mes jours.

Avec le recul, je pense que j’ai simplement demandé, désespérément et malgré moi, que l’on m’aide. Ce « on » qui ne devait pas faire partie de mes proches, trop proches, ce « on » qui devait venir d’ailleurs, d’une vie autre, d’une vie tellement différente de la mienne, cette vie dont je voulais qu’« on » me sorte, à tout prix, par n’importe quel moyen, y compris le plus extrême, le plus dangereux.

Ce risque de m’y perdre, je l’ai pris, et je ne l’ai jamais oublié. Il me hante encore, terrible, et me fait me sentir faible certains jours, fragile, émiettée comme du verre que l’on effrite, et les éclats de soleil qui s’y reflètent alors me donnent envie de pleurer. Ma fragilité est belle aussi, elle fait partie de moi, et c’est cela que Guillaume a aimé dès notre première rencontre.

Ma tentative de suicide se finit aux urgences, sous le regard indifférent du personnel soignant qui a d’autres chats à fouetter cette nuit-là. Oui, malheureusement un bus d’adolescents a pris feu et je comprends bien que je les encombre plutôt qu’autre chose, de vrais patients attendent leurs soins. La jeune femme égocentrique et dépressive attendra, enfin c’est ce que je lis dans le regard pressé et fuyant de l’infirmière qui vient changer les seringues de mes perfusions. Alors on me transfère rapidement en psychiatrie, pour quelques jours d’observation. Le médecin veut pouvoir écrire « dépression sévère » sur mon dossier, me prescrire ce qu’il faut pour que je ne recommence pas, et surtout ne pas être jugé responsable si cela arrivait malgré tout.

Lorsque je me réveille le lendemain matin dans cette chambre grise, impersonnelle, j’ai la nausée. Des éclats de voix me parviennent à travers les murs. Je comprends vaguement qu’une vieille dame refuse la douche, et les soignants la grondent gentiment. « Vous ne pouvez pas rester comme ça, enfin ! ». Je souris tristement. Moi non plus je ne peux pas rester comme ça, je me sens sale, souillée par ma nuit folle. Je suis nue sous une blouse d’hôpital, je ne me souviens pas d’avoir été déshabillée pourtant, je me sens terriblement seule et vulnérable, abandonnée. Je prie pour qu’aucune des mes connaissances ne vienne me voir, surtout pas mes parents, mes amis, pitié. Pas comme ça, pas maintenant. J’ai honte. Je me sens mal.

La porte s’ouvre après quelques coups discrets, un jeune infirmier entre, souriant. Ses yeux bruns et lumineux, sa barbe de trois jours et sa haute stature me rassurent et me font du bien instantanément. Il a l’air si gentil, humain, tellement différent du personnel stressé de la nuit dernière.

–  Bonjour.

Sa voix est grave, chaleureuse. Il prend son temps, me regarde avec attention. Le silence qui s’installe ne me gêne pas. Il s’assoit sur un fauteuil à côté de moi et commence à me parler doucement. De longs blancs viennent ponctuer ses phrases, et cela me fait du bien, m’apaise. Je ferme les yeux. Il s’en va.

Voilà notre première rencontre. Authentique, épurée, essentielle.

La deuxième a lieu un peu plus tard dans la journée, lorsqu’il revient pour me donner mes médicaments et me proposer de manger dans la salle commune, avec les autres patients. Je refuse catégoriquement. Je ne suis pas folle ! Il sourit. Mais non vous n’êtes pas folle. Vous avez simplement besoin d’aide, on est là pour ça vous savez.

– Vous pouvez rester un peu avec moi ? Vous me faites du bien.

Son regard change, il me regarde un peu mieux, presque attendri me semble-t-il, touché. Pourtant je ne me suis jamais sentie aussi misérable, mes cheveux sont sales, mon teint gris, mes cernes profonds, mes lèvres sèches et craquelées, ma peau me fait mal.

Guillaume me dira plus tard qu’il n’a vu de moi que mon regard clair, mon visage doux et mes gestes délicats. Qu’il est tombé amoureux instantanément. J’ai voulu le croire, parce que cette vision romantique me faisait espérer à nouveau en un amour plus léger, un amour qui permet de respirer, qui ne coupe pas le souffle ni l’envie de vivre quand il s’en va.

Et je l’ai suivi, je me suis engouffrée dans cette brèche lumineuse qu’il me proposait, ce tourbillon de vie « normale », saine, et j’ai renoncé aussi. À l’autre, celui qui m’avait tant fait souffrir.

– Je ne trouve plus mon téléphone, tu peux m’appeler s’il te plaît ?

Guillaume est pressé, en retard, pris dans son quotidien de cadre de santé responsable, je ne sais pas s’il me voit encore, s’il tient à moi parce que nous avons partagé toutes ces années ensemble, parce que nous formons une si jolie famille, ou bien s’il m’aime toujours profondément, comme quelqu’un qui fait partie de soi. Est-ce qu’il vibre encore de me regarder ? Et moi ?

Nos moments d’intimité restent forts, puissants, le désir gronde encore, comme un orage exigeant. Avec des moments d’accalmie, parfois longs, et le temps s’étire alors entre nous comme un désert tiède. Je n’aime pas ces périodes sans complicité, sans pétillement, pris par nos vies du dehors, par nos enfants, par tout ce qui devrait me suffire et qui ne me comble pas. J’ai confusément envie d’autre chose, je le sens, je m’évade à travers des rêveries vagues, sans visage, sans nom, je refuse de penser à l’Autre depuis toutes ces années, depuis que j’ai failli y rester. Je l’ai banni de mon présent, de mon futur, il n’y a plus de place pour lui. Parfois je croise une silhouette qui ressemble à la sienne, et la douleur fugace qui m’oppresse au niveau de la poitrine, comme une lame vive et acérée, repart aussi vite qu’elle est arrivée. J’ai enfoui en moi tant de renoncements, de non-dits et d’amour déçu, déchu, que je pense être en sécurité maintenant. Je me suis délivrée de lui, et les années ont passé.

Guillaume s’en va, laissant flotter derrière lui un parfum que je connais par cœur et que j’aime, rassurant, toujours.

L’école m’appelle. Votre fils est tombé, il faut venir le chercher, il n’est pas bien. Stress, adrénaline, larmes qui montent instantanément. Me libérer d’eux par contre, cela n’arrivera jamais ! Cette angoisse primaire qui me saisit dès que je les imagine en danger, malheureux. Devenir mère est aussi un vertige, pour lequel on prend tous les risques, les yeux fermés.

Je respire dès que je vois Adrien, je sais qu’il va bien. Sa bouille enfantine m’émeut tellement. Lorsqu’il m’aperçoit son visage s’effondre, se craquelle, comme s’il avait fait trop d’efforts jusque-là pour se contenir. Maman est là, mon refuge, repère absolu de confiance et de sécurité, semble-t-il me dire, alors je peux me laisser aller, je peux pleurer. Même si les grands me disent qu’un garçon ça ne pleure pas, moi je pleure, parce que maman me dit que je peux, j’ai le droit.

Une vilaine bosse en forme d’œuf bleu fendillé pointe sur le haut de son front, il ne s’est pas raté ! Mais ça va, il n’a pas vomi ni perdu connaissance Madame, on voudrait juste que vous le récupériez parce qu’il a eu très peur, mal, et puis cet évènement l’a beaucoup fatigué. Je ramène donc mon petit bonhomme à la maison, coup de chance j’avais pris ma journée. Pour une fois la culpabilité ne m’aura pas ! Je prépare pour Adrien son déjeuner préféré, coquillettes et œufs brouillés, lui propose un petit jeu de société pour le dessert, et le laisse s’endormir devant des dessins animés. J’envie parfois son quotidien privilégié d’enfant de six ans vivant au sein d’une famille aimante.

Rose a un peu plus souffert que lui, lorsqu’elle était petite, de nos disputes conjugales. Cela lui faisait peur de voir maman crier, plus que papa. Mais nous nous sommes calmés, et bonifiés probablement, avec le temps. J’ai appris à gommer mes aspérités, mes exigences, à ne plus attendre de Guillaume qu’il soit mon infirmier. Lui aussi a ses propres failles, et plus le temps passe plus il refuse les miennes. Il veut que je sois forte, il veut que je sois son roc moi aussi.

Alors nous nous équilibrons, tant bien que mal, chacun prenant appui sur les forces de l’autre. Je l’ai beaucoup soutenu lorsqu’il est passé cadre, le milieu hospitalier n’est pas tendre, et j’avais l’impression qu’il passait à la moulinette lors de chaque entretien. Prouver qu’il avait les épaules, que son parcours était exemplaire, ne pas se laisser impressionner par les questions déstabilisantes, lui qui est pourtant si clair, limpide dans son fonctionnement, force vive et positive du CHU, qu’est-ce qu’ils voulaient de plus ? J’étais indignée lorsqu’il rentrait, abattu, découragé, et plus encore les mois qui ont suivi, quand sa direction lui a imposé un poste de « faisant fonction » cadre, dont personne ne voulait, avec la pire équipe qui soit, dans un service de réanimation. Après la psychiatrie, Guillaume avait bifurqué vers les urgences et les soins intensifs. Il s’est retrouvé du jour au lendemain à devoir diriger une équipe de quarante personnes, dont la plupart se méfiaient du jeune blanc bec qui venait de la psy. Il s’est accroché, courageux, et je l’ai vu renaître jour après jour, au fur et à mesure qu’il parvenait à gagner le respect de son équipe, des médecins et des patients. Sa hiérarchie lui a avoué qu’ils l’avaient envoyé au casse-pipe, ils ne pensaient pas qu’il s’en sortirait. Mais il a tenu bon, alors ils l’ont soutenu pour passer le concours de cadre, réussi haut la main. J’ai ressenti une grande fierté pour Guillaume, je l’ai aimé pour m’avoir permis de l’admirer à nouveau, cela a relancé nos désirs à tous les deux, et marqué un tournant dans notre vie de couple qui s’étiolait après la naissance de nos deux enfants.

Je me suis tellement sentie mère, exclusivement, pendant leurs premières années ! La maternité devait être programmée dans ma chair… J’ai couvé, nourri, câliné mes bébés, avec les exigences et l’attention d’une mère louve, jalouse et possessive. Je les aime tant ! La relation animale des débuts s’est peu à peu transformée au gré de leurs besoins, m’obligeant à m’adapter sans cesse, à chercher, m’interroger, culpabiliser bien sûr, regretter parfois, aimer toujours, et toujours sans conditions, malgré les blessures, furtives, quand ils manifestent un peu trop fort qu’ils ne font plus partie de moi. Je le sais bien, et j’en suis heureuse, même si au fond de moi dort toujours cette louve irrationnelle et instinctive. Quand Rose se love contre moi, câline, je la respire, niche mon nez dans son cou et je revois les tendres plis blonds et doux de sa nuque de bébé. Elle me bouleverse dans ces moments où se superposent en moi les images, la douceur du nouveau-né et la gracilité de la fillette, jeune femme en devenir aussi mais cela m’effraie, il est trop tôt.

On a failli s’y perdre, Guillaume à force de tolérer cette maternité outrageusement présente, et moi à force de m’oublier dans l’énergie dévorante et exigeante de mes enfants. J’y trouvais aussi mon compte, il faut bien l’avouer. Le déséquilibre qui s’était mis en place me permettait de ne pas affronter d’autres démons, comme mon absence de désir qui perdurait bien au-delà des premiers mois après mes grossesses. Ou bien en était-ce la cause ? En tous cas je n’ai rien fait pour changer le cours des choses. Guillaume me savait fragile, alors il patientait, résigné, s’échauffant parfois, et ses reproches prenaient la forme de disputes absurdes et de longs jours durant lesquels on ne se parlait presque plus.

Je refusais de faire face à ce que je ne considérais pas comme un problème entre nous. Il y avait toujours de la tendresse, des rires, et puis nous faisions quand même l’amour régulièrement, mais toujours à la demande de Guillaume, rapidement, sans passion, sans réel abandon de ma part, ou si rarement, ce qui finissait par le frustrer et l’épuiser.

Les trois piliers… la chair manquait ! Mais pas à moi, qui me trouvait comblée par celle de mes bébés, différente bien sûr, mais l’ivresse qu’ils me procuraient me suffisait alors. La tendresse, l’odeur et l’abandon d’un tout-petit sont un piège terrible pour les jeunes mères câlines ! Un piège si doux, qui prend la forme d’un petit pied douillet, d’un cou duveteux, de grands yeux qui s’illuminent lorsqu’on se penche sur un lit à barreaux… Je me suis laissée emprisonnée de toute mon âme, avec tout mon cœur.

Et cela a duré jusqu’aux quatre ans d’Adrien. Là, j’ai commencé à comprendre que la fusion prenait fin, qu’elle s’atténuait et que plus le temps passait plus mes enfants prenaient possession de leur vie, et plus je reprenais aussi possession de la mienne.

Je me suis enfin réautorisée à éprouver du désir pour mon mari. C’est venu d’un coup, au printemps, mon corps m’a envoyé des signaux que je ne reconnaissais pas au début, une sorte d’impériosité, d’exigence, de frustration même certains jours. Et puis j’ai compris que j’avais envie de faire l’amour, tout simplement ! Que j’avais le droit de l’exprimer. Guillaume était émerveillé de me voir à nouveau gourmande, lui tourner autour comme une chatte quémandant un câlin, une caresse… Nous avons eu une seconde lune de miel, une parenthèse enchantée dans notre couple après toutes ces années silencieuses. Nos corps se sont enfin retrouvés, nos désirs comblés mutuellement. Plus de frustrations, plus de reproches dissimulés, et beaucoup moins de disputes, forcément.

Et puis comme l’humain s’habitue à tout, nous nous sommes habitués. À ce désir revenu, à nos corps en harmonie, à l’autonomie grandissante de nos enfants qui nous permettait de nous réapproprier aussi un quotidien plus doux, moins exigeant. Nous n’avions plus bien sûr ces grandes disputes spectaculaires qui nous laissaient épuisés, hagards, mais petit à petit les agacements, les attentes réciproques ont ressurgi, la lune de miel était terminée.

Je partage toujours une grande complicité avec Guillaume, il continue de me faire rire et dédramatise notre présent. Nous avons vraiment grandi ensemble. Et si tout va bien, nous vieillirons ensemble. En tous cas c’est ce que je me suis toujours dit.

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