
Quand les contraires s’attirent… un très beau livre auquel je ne m’attendais pas du tout.
Ludovic est un agriculteur reconverti dans le recouvrement de dettes et vit seul dans un Paris hostile où les gens se frôlent, se dévisagent sans humanité. Aurore a beau habiter au même endroit, elle est aux antipodes. Styliste élégante, mariée à un homme d’affaires américain et maman de jumeaux de six ans, sa vie brille de l’extérieur. De l’intérieur, c’est une autre histoire.
Dans la cour de leur immeuble commun, deux corbeaux la terrorisent. Personne ne s’en rend compte sauf Ludovic, ce colosse intuitif et sensible qu’Aurore commence par toiser tant ils ne font visiblement pas partie du même monde. Mais nous comprenons vite que son monde à elle s’effrite de toutes parts et lui provoque des angoisses qu’elle peine de plus en plus à canaliser. Son mari si séduisant ne l’a pas touchée depuis trois ans, son associé lui bat froid, son entreprise dont elle est si fière est menacée par la faillite à cause de mauvais payeurs et de galères qui s’enchaînent… et au milieu de cet océan de stress, Ludovic abat les oiseaux de malheur qui cristallisent toutes ses angoisses. Contre toute attente, elle se sent protégée et comprise par cet homme inconnu qui l’attire inexplicablement.
Un rapprochement sauvage se produit alors entre ces deux êtres esseulés et blessés pour diverses raisons. Lui est séduit par sa grâce, elle par sa puissance brute, minérale.
C’est très beau. Leur histoire est profondément touchante car on les sent happés par quelque chose qui les dépasse, quelque chose de plus fort qu’eux, et cette évidence est rendue haletante par la plume rapide de l’auteur qui nous entraîne toujours plus vite, plus loin dans la lecture.
« Finalement, dès qu’il tapait sur quelqu’un, elle le remerciait, dès qu’il réglait une situation par la violence, elle le remerciait. Il se dit que ce qu’elle aimait en lui, c’était plus le loup que la brebis. »
« En se serrant contre cet homme, en s’y plongeant avec tout ce qu’elle mobilisait de forces, elle embrassait l’amour et le diable, la peur et le désir, la mort et la gaîté, elle avait la sensation de se perdre en plein vertige dans ces bras-là, d’être embarquée dans une spirale qui n’en finirait jamais de les avaler. »
« Elle était bien ici, malgré la fièvre, malgré la peur, malgré ces ombres qui planaient, ici au moins elle se sentait farouchement vivante, son cœur lui pulsait le sang jusque dans la moindre fibre de ses muscles, tout son être était martelé par le désir et par la fièvre, dans la pénombre elle devinait Ludovic assis sur le bord de son lit, statue blessée, indestructible mais atteint, elle le trouva encore plus émouvant, encore plus beau, au-delà de la fièvre et de la peur elle était grisée par le désir irrationnel de le posséder, qu’ils se possèdent mutuellement, de constituer avec lui cette entité inédite où il est si intense de se serrer, si grisant de s’aimer. »
« Elle se faisait peur en pensant à tout ça, elle se faisait peur de préférer ce désordre à la simplicité d’une vie toute faite, seulement cet homme blessé, cet homme qui avait pris de vrais risques pour elle, cet homme qui avait osé, ça la bouleversait. Pour une fois c’est elle qui voulut l’aider. »