Blog littéraire

Rends-moi fière de Nicole Dennis-Benn

Ou l’envers du décor… d’un côté, l’île paradisiaque de la Jamaïque dont profitent les touristes occidentaux avides de soleil et de dépaysement, mais aussi les promoteurs immobiliers assoiffés d’argent et de sexe, de l’autre les Jamaïcaines victimes et complices perverties d’un système qui les broie de génération en génération.

C’est un tableau bien sombre d’une réalité malheureusement évidente tant les descriptions sont justes, fortes et sentent le vécu.

La prostitution, le racisme et l’homophobie sont au premier plan, mais aussi un certain déterminisme social maudit qui condamne les plus noirs et les plus pauvres à une vie de misère matérielle et/ou morale.

Peu d’espoir donc, à travers l’histoire de Margot et sa famille. Margot vend son corps pour s’en sortir et pour assurer un destin meilleur que le sien à sa petite sœur Thandi, parce que depuis son adolescence elle ne connaît pas d’autre moyen pour obtenir ce qu’elle souhaite que de donner aux hommes ce qu’ils attendent. Elle calcule, se pervertit toujours plus malgré sa rencontre avec Verdene, une femme métisse dont elle tombe amoureuse mais qui est mise au ban de la petite société jamaïcaine pour ses préférences amoureuses jugées comme sataniques…

Delores, la mère violente et aigrie de Margot et Thandi, se désespère de voir ses filles mal tourner sans réaliser vraiment que c’est elle qui les a poussées vers ce chemin qu’elle exècre. Et Thandi, la petite sœur, cache bien des douleurs sous son profil de jeune fille comme il faut… elle tentera aussi de se rebeller contre ce destin rêvé pour elle par d’autres, mais rien n’est jamais simple, forcément.

Ce livre social terriblement réaliste m’a marquée, tant pour la misère humaine qu’il dépeint que par la dénonciation forte d’un système à même de broyer les plus déterminés et les plus courageux. Percutant !

« Cette soirée lui a permis de découvrir la vie surprenante des riches en Jamaïque ; pour eux, cette île est un vrai paradis – une femme qui s’offre sans malice, le dos épousant les courbes des collines et des montagnes, le ventre tourné vers le soleil. Même par cette sécheresse, ses rivières coulent, longues et profondes, et ses larges plages vous attirent irrésistiblement. »

« À combien de filles a-t-elle conseillé de travailler dur pour atteindre leurs objectifs ? Certaines avaient l’âge de sa sœur, mais d’autres étaient encore jeunes. Rends-moi fière, disait-elle à chacune avant de l’envoyer travailler. Toutes rapportent de l’argent à cette île qui les ignore, qui les rejette vers le large comme du bois mort jusqu’à ce qu’elles disparaissent, rongées par les éléments. Ou plutôt, qui les laisse couler au fond de la mer. Margot les repêche une à une et leur offre une nouvelle vie. Le moyen de reconquérir la liberté dont on les a privées. »

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