Blog littéraire

Croire : Sur les pouvoirs de la littérature de Justine Augier

C’est un livre important. Un livre qui compte, qui nourrit, qui fait réfléchir. Le titre, déjà. Les pouvoirs de la littérature… Le pluriel et l’emploi du mot « pouvoir » qui renvoie à la puissance, sont une accroche forte.

On peut voir la littérature comme une simple distraction, mais ce serait si réducteur. L’auteure renvoie ici cet art au rang d’une arme nécessaire contre l’oubli, contre la violence et le nihilisme, contre la mort et l’absence. Comme un combat.

Justement, c’est au moment de la disparition de sa mère que Justine Augier écrit enfin ce brillant essai, comme un ultime hommage à celle qui fût un personnage public et reconnu, et qui lui en avait « passé commande » avant de mourir.

Entre rappels de l’histoire et faits d’actualité, il s’agit d’un plaidoyer vibrant sur le pouvoir des livres, de l’écrit comme mémoire vivante de l’humanité.

La dimension politique reliant les mots et la lutte pour les droits fondamentaux de l’homme est certes prégnante tout au long du récit, comme un cri de révolte, et je partage cette indignation face à l’indifférence générale ; mais j’ai particulièrement aimé cette idée que la littérature sauve et offre un filtre supplémentaire entre soi et le monde, un filtre qui permet d’en comprendre les arcanes, de décrypter ce qui paraît abscons, de creuser en soi et de rencontrer l’autre en même temps. De reconnaître aux choses, aux êtres, leur vraie valeur. De donner un sens au chaos. De rassembler.

Écrire permet paradoxalement à la fois de mettre à distance et d’accéder au plus profond de son inconscient. Lire aussi, si l’on parvient à créer un espace d’accueil suffisant qui permet de se connecter vraiment à l’auteur, à ses idées et sa vision du monde.

Une telle richesse méritait au moins un ouvrage tel que celui-ci, à la fois pointu et bouleversant pour la transmission qui affleure entre une mère et sa fille, le chagrin de celle-ci face à la perte, et les pages du livre comme autant de remparts contre le déchirement de l’oubli.

« Les livres sédimentent en moi d’une façon mystérieuse, ils déclenchent de longues et lentes transformations dont il m’arrive parfois de repérer les effets, discernant une preuve du cheminement. »

« Je crois que c’était une intelligence mystérieuse qui lui permettait d’entretenir un dialogue intense avec les enfants, dont elle aimait tant la compagnie, quelque chose de sauvage en elle, de bizarrement indemne, une compréhension instinctive de leur langage. Ma mère adorait passer du temps avec eux, et il ne s’agissait ni d’un devoir ni d’une nécessité mais plutôt de la possibilité enfin retrouvée de retourner à quelque chose de précieux. »

« La littérature donne à voir l’obscurité, repère et recueille les rêves défaits, ouvrant la voie à la danse malgré tout, et à la possibilité d’une communauté. »

« Le silence auquel éduque la lecture est poésie. Il est aussi politique, source d’une langue imprégnée d’écoute et d’altérité, d’une langue qui fait vibrer des expériences anciennes, n’enferme ni ne condamne, fait surgir au lieu d’éloigner, réveille au lieu d’endormir, rattache au lieu d’isoler, redonne confiance et prépare à l’engagement, une langue attentive mais armée. »

« Pour se remettre à écouter vraiment, à parler une langue vive, il faut aussi se préparer à faire l’épreuve de sa responsabilité. »

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