
Comme souvent lorsque je suis touchée par un livre particulièrement bien écrit, je privilégie les extraits choisis, qui en parlent mieux que je ne pourrais le faire.
Leïla Slimani se livre dans ce court récit autobiographique à une introspection fine sur sa vie d’écrivaine et tout ce que cette activité implique ; la solitude notamment, nécessaire, avidement recherchée, aimée et crainte aussi parfois, surtout lorsqu’elle éloigne les proches ; mais aussi le mystère inhérent à la création, les affres d’une inspiration fluctuante…
Enfermée pour une nuit dans un musée à Venise, elle déambule au milieu des œuvres d’art et nous offre ses réflexions identitaires, nostalgiques et artistiques avec grâce et sincérité.
« Écrire, c’est jouer avec le silence, c’est dire, de manière détournée, des secrets indicibles dans la vie réelle. »
« C’est ainsi que j’ai, moi aussi, toujours vécu. Dans ce balancement entre l’attrait du dehors et la sécurité du dedans, entre le désir de connaître, de me faire connaitre et la tentation de me replier entièrement sur ma vie intérieure. Mon existence est tout entière travaillée par ce tiraillement entre le souhait de rester en repos dans ma chambre et l’envie, toujours, de me divertir, de me frotter aux autres, de m’oublier. J’ai à la fois le désir de me discipliner, de me tenir tranquille et celui de m’arracher à mon état, à mon origine et de conquérir, par le mouvement, ma liberté. Je vis dans cet inconfort constant : peur des autres et attraction pour eux, austérité et mondanité, ombre et lumière, humilité et ambition. »
« Moi, c’est le dehors qui me fait peur. Ce sont les autres, leur violence, leur agitation. Je n’ai jamais eu peur de la solitude. »
« L’eau, la neige, le vent ne tiennent pas au creux de la main. Aussi fort qu’on veuille les saisir, ils restent rétifs à notre volonté de les emprisonner. C’est assez semblable à l’expérience que fait tout écrivain lorsqu’il commence un roman. Au fur et à mesure qu’il avance, un monde se crée mais l’essentiel demeure inaccessible comme si en écrivant on renonçait en même temps, à chaque fois, à ce que l’on voulait écrire. L’écriture est l’expérience d’un continuel échec, d’une frustration indépassable, d’une impossibilité. Et pourtant, on continue. Et on écrit. »
« Plus on avance et plus on mesure notre impuissance. Cette impuissance nous obsède, nous dévore. On écrit en aveugle, sans comprendre et sans que rien soit explicable. »
« L’essentiel demeure inaccessible comme si en écrivant on renonçait en même temps, à chaque fois, à ce que l’on voulait écrire. »
« La littérature ne sert pas à restituer le réel mais à combler les vides, les lacunes. On exhume et en même temps on crée une réalité autre. On n’invente pas, on imagine, on donne corps à une vision, qu’on construit bout à bout, avec des morceaux de souvenirs et d’éternelles obsessions. »
« Lorsqu’on écrit, on prend en affection les faiblesses, les défauts des autres. Nous comprenons que nous sommes tous seuls mais que nous sommes tous les mêmes. »