
Un témoignage brut et sincère, hyper authentique sur un sujet un peu tabou. Certes, ici on parle d’alcoolisme, mais d’une façon qui renvoie à quelque chose de bien plus universel et c’est ce qui m’a énormément touchée, moi qui ne bois pas d’alcool non par abstinence mais plutôt par… intolérance (comprenez, migraineuse bref 🙄).
On peut donc lire et aimer ce livre sans penser être concerné par le thème, parce qu’en fait on l’est, d’une manière ou d’une autre. Les addictions, quelles qu’elles soient, nous renvoient à nos failles, nos fragilités d’humains qui consciemment ou non trouvent toujours plus rapide et confortable de fuir ce qui les incommode plutôt que de s’y confronter.
D’une belle plume vive et acérée, l’auteure nous raconte comment depuis des années elle s’enivrait pour échapper au monde, pour se rebeller, pour démolir ce qui ne lui convenait pas mais sans proposer de construire autre chose. C’est ce qu’elle tente de faire aujourd’hui, trouver un autre chemin, une autre manière d’exister. La sobriété est une voie ardue mais elle n’est pas un renoncement, au contraire. Elle permet d’ouvrir grand les yeux et de choisir en toute liberté ce qu’on veut vraiment faire de sa vie.
« Auparavant cet amour de l’alcool participait à une vision nihiliste du monde. Un amour des choses brisées, des loses racontées, de vies imparfaites et toutes pétées. Il y avait une excitation dans le fait de se laisser aller, de se laisser dériver, à des matins de gueule de bois, de casser un peu la gueule de la vie car au fond, je ne l’aimais pas. »
« Il y a quelque chose de régressif dans la sobriété, un retour à l’état primaire, combiné avec une forme de puissance, qui me fait exulter. Refuser de boire, c’est inconsciemment couper le lien qui nous attache au monde des adultes tel qu’on nous l’a inculqué. C’est commander des Fanta comme des mômes, plutôt que des pintes comme des hommes. C’est gagner une perception nouvelle, une autre vision de ce que vieillir veut dire. Évoluer dans l’âge, cela ne signifie pas forcément se vautrer dans l’amertume ou la mélancolie. Cela peut être tout aussi lumineux que l’enfance. Cet état de douce naïveté dans lequel cela me plonge se combine à la force et à la vaillance, à la sagesse de quelqu’un qui prend sa vie en main. Nous ne sommes pas des enfants : nous sommes des géants. »
« Cette fille seule se parlait à elle-même, se tabassait à la bière à 16 heures. J’étais pleine d’épines, avec mes blessures béantes qui m’entraînaient vers le fond. L’alcool ne soignait rien, il venait de tout son fatalisme arroser mes désillusions. »
« L’alcool nous permettait d’oublier ce que nous n’étions pas, mais ne développait pas sereinement ce que nous voulions être réellement. Il nous a plongées dans une impasse. Être réellement libres, c’est pour nous, aujourd’hui, s’en affranchir. »
« On a tendance à croire que le bonheur passe par le fait d’ingurgiter, de remplir le corps. Pourtant, force est de constater que le plaisir peut venir de notre approche intime et sans filtre des choses. »
« La procrastination, cette maladie mondiale. Je commence à saisir que l’usage d’alcool fait partie de cette capacité de remettre sa vie à plus tard. »
« Ce n’est pas tant des visions que nous devons trouver, en vérité, mais des respirations : comme des petites virgules, qui nous lient au monde, qui conservent notre foi en l’existence ; il ne faut pas trop demander, chercher à embrasser le monde dans son entièreté, y trouver du sens, mais juste observer les infimes détails qui nous rendent vivants. J’ai été trop ambitieuse auparavant. Nous avons juste besoin de quelques souffles. »
« Arrêter de boire, c’est seulement commencer à grandir. C’est un sacré voyage. »
« Je me sens légère : légère d’avoir changé de vie. Ne pas boire, c’est cela : non pas la privation, mais la délivrance. »