Blog littéraire

La familia grande de Camille Kouchner

C’est avec un peu d’appréhension que j’ai démarré la lecture de ce livre choc que l’on présente plus. J’avais peur du trop, du clinquant, presque du voyeurisme… Or mes craintes se sont envolées dès les premières pages tant la sincérité de l’auteure est poignante. J’ai été touchée par ces confessions à la fois pudiques et authentiques, par cette nostalgie d’enfant qui affleure, par cette envie de retour en arrière impossible, par cette adolescence piétinée malgré tout le faste et les promesses.

Prisonnière d’une confidence impossible, Camille n’a que quatorze ans lorsque son frère jumeau lui demande s’il est « normal » que ce beau-père magnifique et adulé, celui qui a rendu le sourire à leur mère et maintenu la barque familiale à flots pendant la tourmente, celui-là même le rejoint dans son lit en cachette « parce que tout le monde fait ça, c’est pour t’apprendre »… Dans cette familia grande merveilleuse où les adultes ne savent pas trop où poser les limites, où les jeunes ont pour mission d’être intelligents et surtout libres, comment se positionner face à l’indicible? Comment dire les choses sans trahir personne? Sans trahir la parole de son frère, l’amour de sa mère, la cohésion familiale mise à mal depuis les suicides consécutifs des grands-parents?

Camille l’ignore, alors Camille s’oublie, voudrait disparaître elle aussi devant ces adultes qui lui somment de ne pas peser plus encore … Ce n’est qu’à l’âge adulte, une fois mère de famille et face aux responsabilités qui sont les siennes et qui lui ont fait comprendre à quel point l’amour de ses parents adorés était pourtant défaillant, qu’elle a trouvé la force et le courage de libérer la parole. Enfin. Parce que contrairement à ce qu’on a voulu lui faire croire, la liberté ne consiste pas en l’affranchissement de toutes limites, elle est dans l’affirmation de celui où celle que l’on veut être et la possibilité de sortir de la prison de l’amour des siens. C’est ce que Camille Kouchner a fait, avec beaucoup de courage.

« La culpabilité est comme un serpent. On s’attend à ce qu’elle se déploie en réaction à certains stimuli mais on ne sait pas toujours quand elle viendra vous paralyser. Elle fait son chemin, trace ses voies. La culpabilité s’est immiscée en moi comme un poison et a bientôt envahi tout l’espace de mon cerveau et de mon cœur. La culpabilité se déplace d’objet en objet. Elle se greffe plusieurs visages et vous fait regretter tout et n’importe quoi. Ma culpabilité a plusieurs âges. Elle fête tous ses anniversaires en même temps que moi. Ma culpabilité est ma jumelle. Une nouvelle gémellité. »

« D’abord, vouloir le calme. Protéger ma mère. Pas d’autres drames, je vous en supplie! Automatiquement, le secret s’est installé. Pas un mot à mes parents, pas un mot à ma famille, pas un mot à mes profs, pas un mot à mes amis. »

« Je préférais simplement ne pas être là. Surtout ne pas exister. M’inscrire à la fac de droit était une facilité. J’essayais d’être la même que les parents pour m’interdire de les critiquer. »

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