
Quelle belle écriture, simple et posée, pudique et réaliste, sans fioritures mais l’essentiel y est, ce qui est la marque des grands écrivains.
Elena a grandi en Roumanie communiste dans les années 40-50, élevée par son oncle et sa tante, sa mère étant décédée lorsqu’elle était petite. Brillante élève, studieuse et soumise aux bons vouloirs de ses parents adoptifs, elle attendra d’être une jeune adulte pour s’opposer enfin à leurs désirs et l’autorité aveugle qu’ils exercent sur elle. Comme beaucoup de leurs compatriotes, les parents d’Elena sont antisémites et lui interdisent de revoir Jacob, ce beau jeune homme brun et juif dont elle est tombée amoureuse. Elle obéira dans un premier temps mais ne pourra résister bien longtemps lorsque le hasard de la vie remettra Jacob sur sa route. Forçant leur destin, les deux jeunes gens promis à un brillant avenir scientifique quittent la Roumanie pour Israël grâce à la famille de Jacob, afin d’échapper à la dictature communiste de Ceaucescu. Ils emmènent leur fils Alexandru et commencent à aimer l’idée de vivre en Israël lorsqu’Elena réalise que dans quelques années ce jeune pays en guerre permanente avec tous ses voisins enrôlera son fils de gré ou de force dans l’armée. Hors de question de prendre le risque de perdre cet enfant qu’elle aime plus que tout au monde, aussi la petite famille se remet rapidement en route vers Rome, ultime étape avant les États-Unis où ils espèrent enfin trouver la paix et la liberté à laquelle ils aspirent depuis si longtemps.
Ce n’est pas seulement un roman sur l’exil et la question de l’identité, l’immigration ou le choc des cultures, c’est aussi une réflexion et une thématique récurrente construite autour des liens familiaux puissants qui tissent le fil d’une vie et se reproduisent sans même que les protagonistes s’en rendent compte. La mainmise que le père d’Elena Tiberescu avait sur elle durant sa jeunesse, n’est-ce pas la même que la jeune femme américanisée en Helen Tibb exerce sur son fils lorsqu’elle lui demande de ne pas épouser Marie, sa fiancée française, par crainte qu’il change de continent ? Tout est bien plus complexe évidemment, et l’auteure décrit finement l’ambiguïté des relations qui se peuvent se créer entre belle-mère et belle-fille, dans la dureté comme dans la douceur, tout comme celles qui existent entre parents et enfants et qui peuvent s’abîmer définitivement si l’individualisme forcené prime sur la communication.
Une belle saga qui a obtenu le Prix Goncourt des Lycéens en 2008.