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Inconnu à cette adresse de Kressmann Taylor

Inconnu à cette adresse - Poche - Kathrine Kressmann Taylor, Michèle  Lévy-Bram - Achat Livre | fnac

Une courte nouvelle épistolaire, intense et percutante, qu’il faut lire pour comprendre comment la folie nazie a pu se répandre aussi vite et de manière inéluctable dans l’Allemagne troublée des années 30.

Il s’agit d’un échange de lettres entre Max et Martin, deux associés marchands d’art et amis de longue date. En 1932, Martin retourne vivre en Allemagne avec femme et enfants tandis que Max, juif américain, demeure en Californie. Cependant, très vite ces courriers prennent une tournure terrible entre les deux hommes, notamment lorsque Martin demande assez violemment à Max de ne plus lui écrire car il devient « impossible pour lui de correspondre avec un juif, même s’il n’avait pas une position officielle à défendre ». Les lettres de Martin sont de plus en plus imprégnées du discours nazi et d’une sorte de fascination funèbre pour le Führer, à l’instar de nombreux allemands qui ne voient en lui qu’un sauveur capable de les extraire de la misère dans laquelle la précédente guerre les avait plongés, quitte à fermer les yeux sur l’horreur des premiers pogroms.

La réponse de Max à ce positionnement sera à la hauteur de la trahison perpétrée à son égard par son ancien ami et démontre s’il en faut la dangerosité et la cruauté aveugle d’un système inhumain.

Cette fiction est impressionnante parce que visionnaire : l’auteure l’a publiée en 1939…

« Le fils d’Aaron Silberman vient tout juste de rentrer de Berlin et il parait qu’il l’a échappé belle. Il raconte ce qu’il a vu …/… des histoires affreuses. Ces exactions pourraient être vraies, et elles pourraient en effet n’être que le résidu malpropre d’une révolution par ailleurs humaine – « l’écume trouble » comme tu dis. Malheureusement pour nous, les juifs, la répétition ne les rend que trop familières, et je trouve presque incroyable qu’on puisse, aujourd’hui, au sein d’une nation civilisée, faire revivre à nos frères le martyre ancestral. Écris-moi, mon ami, pour me rassurer sur ce point. » (lettre de Max du 18 juin 1933)

« En ce qui concerne les mesures sévères qui t’affligent tellement, je dois dire que, au début, elles ne me plaisaient pas non plus ; mais j’en suis arrivé à admettre leur douloureuse nécessité. …/… Je n’ai jamais haï les juifs en tant qu’individus – toi, par exemple, je t’ai toujours considéré comme mon ami –  mais sache que je parle en toute honnêteté quand j’ajoute que je t’ai sincèrement aimé non à cause de ta race, mais malgré elle.  » (réponse de Martin du 9 juillet 1933)

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