Blog littéraire

La salle de bal de Anna Hope

Sauvage, âpre, rugueux… voilà comment j’ai envie de qualifier ce livre qui ne m’a pas laissée indifférente.

1911 en Irlande. La jeune Ella Faye se réveille dans un lieu inconnu, malmenée par des infirmières qu’elle ne connaît pas. Ouvrière dans une filature, elle a brisé une vitre sur une impulsion, pour respirer, pour vivre un peu mieux la claustration d’un travail laborieux. À cette époque-là et sans aucun soutien de son milieu, il n’en fallait pas plus pour se retrouver à l’asile. La mélancolie pour John, l’anorexie pour Clem, des maux inconnus qui inquiétaient et justifiaient eux aussi l’enfermement…

Nous découvrons avec stupeur, puis horreur, à quel point certains êtres humains étaient alors soumis au désir de puissance des autres, plus instruits, plus fortunés, plus dangereux donc. Le Docteur Fuller était de ceux-là. Médecin raté et musicien passionné, il ambitionne de révolutionner la prise en charge des patients à l’asile de Sharston, gigantesque domaine que les patients font vivre en autarcie grâce à leur travail, en leur élevant l’âme grâce à la musique. De nobles intentions qui lui feront créer le fameux bal du vendredi. Chaque semaine, les hommes et les femmes de chaque pavillon valseront au son d’un orchestre qu’il aura la fierté de diriger.

C’est ainsi que se rencontrent vraiment John et Ella. Leur histoire leur appartient jusqu’au jour où le Dr Fuller, dont la personnalité ambiguë se révèle peu à peu au point de le faire basculer vers un courant eugéniste alors très en vogue, se mêle de leur destin.

C’est un livre à l’écriture exigeante et dense, romanesque et dramatique, dont l’intensité se mêle à celle des saisons et d’une nature forte puissamment décrite à chaque page ou presque.

« John s’assit dans son coin et prit de petites inspirations peu profondes en essayant de ne pas laisser entrer cette excitation : c’était une contagion terriblement dangereuse, l’espoir. »

« Le temps s’était radouci : il pleuvait toujours, mais le froid était moins mordant et la terre sentait l’humidité, l’odeur du réveil des choses. Les jonquilles s’ouvraient en gros bouquets dans les massifs. Il essayait de ne pas les regarder au passage. Il y avait quelque chose chez elles, cette façon qu’elles avaient de sortir de terre, de se tendre vers la lumière. Cet espoir aveugle. Ça le mettait mal à l’aise, voilà tout. »

« C’est avec étonnement qu’il se mit à penser à elle quand il posait le pied dehors dans la fraîcheur des matins, matins qui charriaient le parfum sucré, froid et humide de la rosée, précurseur de la chaleur. »

« La lune se balançait, haute et mûre, au-dessus du paysage, l’air lourd de l’odeur brûlante et sucrée des champs donnait à Ella, debout en bordure, l’impression d’un nouveau monde dont elle et l’homme à ses côtés étaient les seuls habitants. »

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