
Un roman subtil et rare sur un thème pourtant éculé de la littérature, voilà pour moi ce qu’est parvenue à réaliser l’auteure de Histoire du fils, livre court et dense qui se lit d’une seule traite (en deux fois pour moi).
Au-delà de la relation entre une mère et son fils, il s’agit avant tout de l’histoire d’une famille issue du monde rural sur plusieurs générations que nous suivons de 1908 à 2008. La brièveté du roman est d’ailleurs surprenante au regard de cette longue durée – 100 ans !- mais l’auteure saisit les moments clés avec tant de grâce et de force qu’on se laisse happer au cœur du destin de chacun des personnages. Nous suivons particulièrement celui d’André, né de père inconnu, et de sa mère Gabrielle qui a confié à sa sœur Hélène le soin de l’élever.
La chronologie du récit est également singulière, construite sur l’analepse comme une sorte de labyrinthe temporel qui nous donne des clés pour la compréhension de l’ensemble.
La filiation et les relations père-fils mais aussi le lien du sang ou encore la quête d’identité sont au cœur de ce roman, le tout dans une écriture riche, dense, vivante qui révèle et sublime les manques, les zones d’ombre et la complexité des liens familiaux.
Une très belle lecture que je vous recommande !
« La ligne de ses épaules, la coulée rousse de ses cheveux sucrés, le chapeau de paille blonde, un vieux chapeau de son père qu’elle réveille d’un ruban bleu vif, sont tout l’horizon d’André ; et le monde redevient parfait. Au Jaladis, l’eau verte luit sous l’arceau chevelu des saules. Les berges sont abruptes, on se tord les pieds sur des cailloux pointus, Hélène nage longtemps, il aime le maillot rayé que Claire a choisi pour lui et les corps blancs des cousines sont un vivant bouquet dans la lumière dansante. »
« Chanterelle, Santoire, la chambre d’enfance où l’on avait, l’année de ses vingt ans, remplacé son lit étroit d’adolescent par une couche vainement conjugale, et les bois, et les prés, et les départs pour la chasse dans les petits matins nacrés, et les heures longues vouées aux pêches opiniâtres, et le moindre tournant de la route pentue qui serpentait sous le couvert des hêtres dans une lumière de cathédrale, tout lui tenait au corps, sans nostalgie aucune, dans la joie brutale de l’appartenance. »