Delphine de Vigan m’avait déjà habituée à lire en apnée, avec Rien ne s’oppose à la nuit notamment. C’est encore le cas pour Les loyautés, qui descend au fin fond de la souffrance des enfants face à la défaillance des adultes, l’impuissance des uns faisant miroir aux manquements des autres.
Théo a 12 ans et il boit de l’alcool en cachette. Pas pour le plaisir de transgresser les règles, ni pour celui de provoquer ses parents, et pas non plus pour s’amuser. Il boit pour oublier, déjà. Il tente de rejoindre un monde calme où n’existeraient ni la souffrance de sa mère ni la déchéance de son père, séparés depuis quelques années.
Enfant de divorcés, je connais bien cette fameuse loyauté qui nous pousse à taire ce qui pourrait blesser l’autre parent lorsque nous évoquons celui ou celle qui fut un jour lointain l’amour de sa vie. Qui nous pousse aussi parfois à cacher ce que l’on ressent vraiment pour préserver son entourage. Certains passages m’ont noué le ventre.
Les loyautés est un récit alterné entre la vision de quatre personnages : Théo, Hélène professeur au collège, Mathis son meilleur ami et Cécile, la mère de Mathis confrontée aussi à d’autres démons au sein de son couple. Hélène, ancienne enfant battue, reconnaît la souffrance de son élève et outrepasse ses droits pour lui venir en aide, comme pour réparer la petite fille qu’elle abrite encore au fond d’elle-même. Mais rien n’est simple, évidemment.
Ce livre assez sombre m’a fait l’effet d’un exutoire de la part de l’auteure, un peu comme un cri de souffrance salutaire venant dénoncer la folie des adultes qui ne savent même plus prendre soin de leurs petits.
Très bien écrit, j’ai regretté qu’il ne soit pas plus long, la dernière page m’a vraiment laissée sur ma faim.
« Parfois je me dis que devenir adulte ne sert à rien d’autre qu’à ça : réparer les pertes et les dommages du commencement. Et tenir les promesses de l’enfant que nous avons été. »