« La vieillesse est une victoire ». Et ce livre aussi, à coup sûr. J’ai été saisie par les mots de Grégoire Delacourt, et plus encore peut-être par la postface si touchante de son livre, car il semble alors répondre en temps réel aux interrogations qui jaillissent à peine la dernière phrase lue. Effectivement, comment fait-il pour « se mettre à ce point dans la peau d’une femme » ? La finesse des ressentis, des émotions qui traversent la jeune fille, la mère, l’épouse, le féminin à tous les âges de la vie est troublante, percutante de vérité.
Il répond alors par une phrase de Sagan (ma dernière chronique d’ailleurs, la boucle est bouclée) « aimer c’est comprendre ». Monsieur Delacourt, laissez-moi vous dire que vous nous comprenez bien… 😉
On suit ainsi le parcours étonnant de Martine alias Betty, atteinte d’un mal étrange qui semble figer à jamais la fraîcheur de ses trente ans. Son corps à l’intérieur vieillit normalement, mais son apparence ne change pas. Et ce qui semble être le Graal des femmes aujourd’hui (le mythe de la jeunesse éternelle) s’avère en fait être une malédiction. Le côté figé ainsi décrit, qui s’apparente en fait à la mort, résonne d’ailleurs aussi comme une mise en garde sur l’abus de botox…
L’auteur reconnaît et met en lumière la peur et la souffrance cachée des femmes vieillissantes devant leur miroir, pour mieux leur dire ensuite combien le chemin peut être doux pour celles qui l’acceptent. Je ne peux ici m’empêcher d’oser un parallèle avec mon dernier livre Les petits cailloux, tant les messages infusés sont semblables…
Sans forcément chercher de réponses en lisant ce livre, on en trouve pourtant, ainsi que des interrogations vertigineuses sur le temps qui passe et nous abîme, mais qui fait sens. On comprend ainsi que le bonheur est par essence éphémère, tout comme la beauté et la nature humaine, et heureusement…
« Vieillir est douloureux, et féroce. C’est laisser s’enfuir, sans que l’on puisse rien y faire, la suavité de la peau, son grain laiteux, c’est la voir se tâcher, se détendre et pendre ; c’est laisser s’envoler les regards d’avant qui venaient se poser sur nous au hasard d’une promenade, ces regards gourmands, affamés souvent, qui nous font nous sentir belles, et savoureuses, et dont l’insistance, la vulgarité parfois, sont des louanges. »
« … parce qu’il faut bien que ce qu’on a aimé un jour s’altère, que l’image qu’on en a eue s’amenuise, petit à petit, s’efface, pour nous rappeler son éphémérité et la chance que nous avons eue de l’attraper, comme un papillon au creux de la main ; il faut que les choses meurent pour que nous ayons la certitude de les avoir un jour possédées. »