
C’est un livre fort, dont la lecture ne laisse pas indemne.
Hiver 1917, nous sommes dans un petit village aux frontières d’un champ de bataille de la Grande Guerre, qui compte ses blessés par milliers et tente de résister tant bien que mal aux coups de canon qui résonnent au loin.
Dès les premières pages, le ton est donné avec la découverte du corps d’une petite fille de dix ans, visiblement assassinée, sur les berges d’un cours d’eau aux abords du village. Ce meurtre et la recherche du vrai coupable seront le fil rouge du roman, dont le narrateur tente sa vie durant de démêler le faux du vrai dans cette affaire sordide.
Cependant, au-delà de l’intrigue, il s’agit surtout de décrire un ensemble de personnages qui ont tous une part d’ombre en eux, de profondes blessures, des deuils insurmontables ; cette zone grise que tout être humain abrite et que l’auteur met en lumière en insistant sur la noirceur, tout de même.
Ce livre m’a fait penser aux Couleurs de l’incendie de Pierre Lemaître, en plus noir. L’écriture est dense, magistrale, travaillée. Il ne s’agit pas vraiment d’un roman policier ni historique, plutôt une fresque humaine terriblement réaliste et particulièrement sombre.
« Les salauds, les saints, j’en ai jamais vu. Rien n’est ni tout noir, ni tout blanc, c’est le gris qui gagne. Les hommes et leurs âmes, c’est pareil… T’es une âme grise, joliment grise, comme nous tous… »
« Le ciel prend des tons gris-bleu et la première étoile y fiche un clou d’argent. »
« On dirait que l’homme est un de ces petits cailloux posés sur les routes, qui reste des jours entiers à la même place, et que le coup de pied d’un trimardeur parfois bouscule et lance dans les airs, sans raison. Et qu’est-ce que peut un caillou ? »
« Si j’avais su… si j’avais su… Le problème, c’est qu’on ne sait jamais. »